L'éloge de la retenue

Dans une société qui valorise le paraître et la mise en avant perpétuelle, une société ou affirmer haut et fort sa supériorité sur les autres est devenue la norme et ou les spectacles auto-glorifiants sont à la mode - , la retenue est une forme heureuse et nécessaire de résistance.

MANIÈRESART DE VIVRE

Mr. Cédric N. N.

8/2/20235 min read

Gentlemen ,permettez moi de vous entretenir à propos d'un sujet que je considère vital ;

La retenue. Il est parfois extrêmement compliqué de rester sobre en société, de ne pas trop en dire, de ne pas trop en faire, de ne pas trop en montrer. La vanité de l’homme vous me direz. Notre vanité nous pousse bien souvent à tomber dans les pièges de la vantardise, ou de la fanfaronnade dès lors que nos pairs nous encensent un minimum. Dans une société qui valorise le paraître et la mise en avant perpétuelle, une société ou affirmer haut et fort sa supériorité sur les autres est devenue la norme et ou les spectacles auto-glorifiant sont à la mode - , la retenue est une forme heureuse et nécessaire de résistance.

Après une telle affirmation, une série de questions devrait logiquement vous venir en tête. Comment, quand et pourquoi se retenir ? La réponse est simple, dans des situations ou le plus grand nombre réagirait par un déchaînement de passions en tout genre, tant véhémentes que flegmatiques, le gentleman que vous êtes se doit de garder sa constance, sa retenue. Chose pas toujours facile à faire, je vous l’accorde.

Imaginez la scène. Vous invitez chez vous des amis du lycée pour une soirée de retrouvailles 10 ans après comme dans la chanson de Bruel. L’ambiance est au rendez-vous, vous souvenez tous de vos moments de déconne au lycée, de vos profs et de vos amours. Puis vient le moment ou l’un d’entre vous à l’idée géniale de proposer un tour de table ou chacun dira ce qu’il est devenu et a entrepris entre le lycée et maintenant. C’est parti, les discours s’enchainent, tous ne sont pas devenus riches ou n’ont pas eu de carrières fulgurantes, mais il y a parmi vous des parcours plus que honorables. On compte un instituteur, un boulanger, une infirmière, des commerçants …etc Des professions qui au final s’avèrent vitales pour le bien être de la société même si elles ne font pas la une du journal télévisé de 20H.

Puis vient votre tour , vous avez fait une grande école d’ingénieur suivi d’une année en école de commerce pour avoir le double diplôme. Par la suite, vous avez ensuite fait un MBA outre atlantique avant de décrocher un poste de trader à la City. Vous n’hésitez pas donner dans le détail le montant de vos bonus annuels, à raconter l’anecdote de la fois où pour fêter une OPA hostile lancée par vos soins sur le leader européen du plastique racheté par son concurrent américain, vous avez loué le dernier étage d’un palace pour faire la fête tout un week-end.

Au final vous mettez quinze minutes à vous présenter là où les autres ont mis deux minutes….. Maintenant dites moi, n’aurait il pas été plus adapté de simplement dire que vous travaillez pour une banque sans en donner tous les détails ? Se dévoiler ainsi complètement dès que l’occasion se présente enlève tout mystère, toute part d’imagination et nous rend banal si ce n’est présomptueux à la face des autres. Cette façon d’imposer sa trace, de vouloir marquer son territoire voire son époque est épuisante, pour l’intéressé comme pour son entourage. Le grand art de nos jours serait sans doute de savoir se rendre discret et même de passer inaperçu.

Louis Dumur disait « Il est très facile de se taire, mais il est très difficile de savoir se taire ». A méditer.


Maintenant prenez l’exemple de cet autre collègue que vous croisez régulièrement depuis 2 ans dans l’ascenseur. Vous avez remarqué qu’il n’est là que par intermittence. Sourire poli, costume anglais croisé à la coupe parfaite, chaussures impeccablement cirées (oui vous le savez parce que vous avez aperçu votre reflet sur ses souliers un matin de Juillet) vous ignorez son nom, sa fonction. Il ne s’est jamais montré impoli, mais toujours très respectueux. Cette année, lors de la grande assemblée annuelle, celle où tous les managers de la multinationale pour laquelle vous travaillez sont conviés, vous l’apercevez sur l’estrade. Renseignement pris, vous apprenez qu’il est l’actionnaire majoritaire à 60 % de votre société, autrement dit, c’est lui qui décide de la destinée de vos 20 000 collègues. Et dire que vous preniez l’ascenseur avec lui….Le soir de retour chez vous, vous vous empressez de “googler “ son nom….RIEN ou plutôt pas grand chose. Le mystère vous disais je plus haut, vous rendra intéressant.

Prenons l’exemple des réseaux sociaux, désormais pour réussir sa vie il faut que celle ci paraisse plus intéressante, plus clinquante. L’ordinaire est discrédité, nous exposons nos quotidiens comme si cela lui donnait plus de sens. La tyrannie du paraître a pris le pouvoir. L’affaire Snowden est un présage, à l’heure du tout numérique évitez de venir cracher sur votre patron ou de critiquer vos collègues sur votre profil TikTok.

Mesdames, messieurs, en ces temps de disette morale, dites non à la surexposition de votre personne.

  • Partagez sans tout montrer

  • Discutez sans tout dire

  • Echangez sans tout dévoiler.

De même les détails de votre vie intime doivent rester dans votre intimité , comme les anglo-saxons disent si bien « don’t kiss and tell ». Si votre collègue a trop bu pendant la soirée d’afterwork d’hier, n’en informez pas tout le bureau des le lendemain. Au final, La retenue est une bataille intérieure, et vous devez sans cesse lutter pour ne pas sombrer.

Attention, je ne fais nullement ici l’éloge d’un « vivons heureux, vivons cachés » mais tout simplement l’éloge de la retenue dans sa définition la plus élégante , qui au final se résume au contrôle de soi. , à rester sobre quand la société encourage cet empressement à paraître pour être. A noter qu’entre amis intimes, entre des personnes qui se connaissent parfaitement on peut se laisser aller, ici la retenue n’a pas sa place.

Je voudrais finir en disant que contenir ses émotions et sa fierté n’est en aucun cas un signe d’arrogance mais juste une exigence de se montrer correct, civilisé quelle que soit la situation. William Thourlby disait “People, like diamonds, have a basic market value, but it is only after they have been polished that the world will pay their real value.”

Mesdames, Messieurs, au premier abord vous n’aurez rien d’atypique, parce que vous n’aurez pas tout dévoilé. Vous serez peut être traité de timide, tantôt de snob. Ce n’est que lorsqu’on prendra le temps de vous découvrir vraiment, qu’on reconnaîtra le gentleman/la lady en vous. , le diamant que vous êtes.

PS : Petite astuce, lors des vos évènements mondains, essayez de discuter avec ceux qui semblent être à l’écart, un peu éloigné des autres….vous découvrirez des pépites. Croyez-moi.

Mr. C.